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Redressement fiscal d’une filiale intégrée : étendue de l’information de la société mère

Affaires - Fiscalité des entreprises
30/06/2020
Pour le Conseil d’État : pas d’information de la société mère sur les modalités de détermination des pénalités, pas de pénalité !
Deux sociétés en nom collectif (SNC) ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration demande à la société, associée gérante de ces sociétés, un supplément d'impôt sur les sociétés, assorties de majorations et intérêts de retard. En sa qualité de société-mère intégrante de cette dernière, BNP Paribas a demandé au juge administratif la décharge de l'ensemble de ces sommes. Sa demande est rejetée. En revanche, la cour administrative d'appel l’a déchargé des majorations pour abus de droit en litige et réformé le jugement du tribunal administratif. Le ministre de l'action et des comptes publics demande l'annulation de cette décharge.

Le Conseil d’État rejette le pourvoi du ministre.

Alors même que la société mère d'un groupe fiscal intégré s'est constituée seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur le résultat d'ensemble déterminé par la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, celles-ci restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats (CGI, art. 223 A, dans sa rédaction applicable au litige).
C'est avec ces dernières que l'administration fiscale mène la procédure de vérification de comptabilité et de rectification.

Les rectifications ainsi apportés aux résultats déclarés par les sociétés membres du groupe constituent cependant les éléments d'une procédure unique conduisant d'abord à la correction du résultat d'ensemble déclaré par la société mère du groupe, puis à la mise en recouvrement des rappels d'impôt établis à son nom sur les rehaussements de ce résultat d'ensemble.

« L'information qui doit être donnée à la société mère avant cette mise en recouvrement peut être réduite à une référence aux procédures de rectification qui ont été menées avec les sociétés membres du groupe et à un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble, sans qu'il soit nécessaire de reprendre l'exposé de la nature, des motifs et des conséquences de chacun des chefs de rectification concernés. Elle doit toutefois comporter, en ce qui concerne les pénalités, l'indication de leur montant, comme le prévoit l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales, et des modalités de détermination mises en œuvre par l'administration, lesquelles constituent une garantie permettant à la société mère de contester utilement les sommes mises à sa charge ».

Le "montant des pénalités pour abus de droit de 80 % (article 1729)" qui avait été mentionné dans la lettre transmise avant la mise en recouvrement des sommes litigieuses ne résultait pas de l'application du taux de 80 % au montant des cotisations supplémentaires assignées à la redevable. Le Conseil d’État approuve la cour d’appel d’avoir « pu, sans commettre d'erreur de droit, déduire de l'absence de toute indication sur les modalités de détermination des pénalités que l'information donnée à BNP Paribas sur ces dernières était insuffisante et prononcer, par voie de conséquence, leur décharge ».
 
Textes applicables au litige : CGI, art. 223 A et LPF, art. R. 256-1.

À noter : Le Conseil d’État a déjà eu à juger d’une affaire similaire (CE, 9e et 10e sous-sect. réunies, 13 déc. 2013, n° 338133, EURL Pub Finance ). Il rappelle régulièrement le contenu de l’information que l’administration est tenue de fournir à la société mère, préalablement au redressement fiscal de la filiale. Ainsi, l’administration peut  « se limiter à une référence aux procédures de redressement menées avec les sociétés membres du groupe et à la fourniture d'un tableau chiffré qui en récapitule les conséquences sur le résultat d'ensemble du groupe et les intérêts de retard en résultant , y compris en tant qu'ils procèdent de redressements afférents à des filiales demeurant déficitaires, sans qu'il soit nécessaire de mentionner la nature, les motifs et les conséquences de chacun des chefs de redressement concernés » (CE, 9e et 10e sous-sect. réunies, 2 juin 2010, n° 309114, Sté France Telecom). Mais elle doit informer la société mère, non seulement des conséquences des redressements dont a fait l'objet sa filiale pour elle-même, en sa qualité de société membre du groupe intégré, mais également des conséquences sur le résultat d’ensemble du groupe (CE, 9e et 10e sous-sect. réunies, 21 oct. 2011, n° 325619, Société financière Snop Dunois ; CE, 8e ch., 3 avr. 2020, n° 426146, SAS Bils Deroo Holding).
En revanche, il ne peut lui être reproché de n’avoir pas indiqué dans la notification la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisine réservée aux filiales (CE, 3e et 8e sous-sect. réunies, 7 févr. 2007, n° 279588, Min. c/ Société Weil Besançon). 
Il est donc inutile de rappeler que les sociétés mères d’un groupe fiscal intégré ont intérêt à vérifier à la loupe le contenu du courrier que l’administration leur envoie, préalablement au redressement fiscal de l’une de leurs filiales.
 
Pour aller plus loin : v. Le Lamy Fiscal, § 2042.

 
Source : Actualités du droit